L'Aérotrain
L'AEROTRAIN : un projet futuriste à l'échelle humaine !
Carte postales d'époque dont une avec le timbre et tampon 1er jour.
L'AEROTRAIN : comment voler à quelques millimètres du sol ? ou comment être transporté dans un train sans roues ? C'est tout l'enjeu de cette géniale invention née dans les années 50 et testées grandeur nature durant 9 années dans les années 60 et 70 à Gometz-la-ville dans l'Essonne et à Chevilly au nord d'Orléans.
Une chose est sûre il s'est passé quelque chose d'important et j'étais à l'époque trop petit pour le voir.Cependant des bruits en parlaient régulièrement autour de moi.
Il m'a fallut attendre l'adolescence pour comprendre et réellement découvrir le projet. Au delà de l'invention géniale, c'est aussi une grande aventure humaine d'une petite équipe dont Jean Bertin, son inventeur, était la "locomotive".
J'ai choisi volontairement ce terme car comme tout inventeur génial, Mr Bertin semble avoir été quelqu'un plein d'idées, de convictions et d'une motivation bien supérieure à la normale.
Pourtant au final, par choix politique, c'est bien la locomotive ...SNCF celle là qui a gagné avec son projet de TGV qui signifiait en 1974 "Turbotrain à Grande Vitesse" (avant que le 1er choc pétrolier ne convertisse sa motorisation diesel en électrique).
Je ne vais pas ici refaire ce qui est déjà très bien fait et disponible sur internet. Par contre je souhaite décrire simplement afin d'illustrer mes photos personnelles et les mettre sur la toile. En effet que ça soit la société des amis de Jean Bertin, des passionnés de la première ou de la nouvelle heure je respecte trop cette aventure pour refaire un énième blog ou site mais je ne peux laisser le peu de souvenirs que j'ai au fond d'un tiroir.
Ces photos quelles sont elles ? Il s'agit d'originaux scannés d'après mes clichés positifs développés dans ma recherche de l'Aérotrain en 1990/1991. Je ne l'ai pas connu voler, je l'ai juste connu à l'abandon , sans vie tel un bateau échoué sur la mer d'Aral alors même qu'aujourdhui deux ont été (fort heureusement) sauvés et d'autres détruits dans de bien sombres conditions.
C'est mon grand père, Olivier Durouchoux qui m'a réellement fait découvrir cette formidable histoire. Ingénieur en aéronautique issu de Sup Aéro, il était le "collaborateur et ami de longue date" de Raymond Marchal, Ingénieur général de l'Air et qui a terminé l'unique livre sur l'Aérotrain commencé par Jean Bertin avant sa disparition : " L'Aérotrain ou les difficultés de l'innovation".
Mon grand père a travaillé quelques temps sur le prototype 01. C'est là que l'on mesure les liens très étroits entre ce projets et l'aéronautique.En effet lorsque l'on voit cet objet du futur le seul lien avec ce que nous connaissions à l'époque était un avion sans ailes flottant au sol et guidé par un simple rail en béton. D'ailleurs l'Aérotrain n'avait pas deux conducteurs mais deux pilotes.
Voici le livre en question :
Cet ouvrage quasi introuvable de nos jours a été dédicacé par Raymond Marchal lors de sa première édition en 1978. Il a été publié à deux reprises dont la deuxième édition date de 1989. J'ai la chance d'en posséder trois dont un dédicacé à mon grand-père par Raymond Marchal le 02 juin 1978.
Voici les trois ouvrages réunis :
Le premier (celui de droite) est la première édition dédicacé (pas de logo Bertin sur la couverture). Sa valeur est pour moi inestimable du fait de cette dédicace.
Le deuxième (celui du centre) est celui qui m'a été offert par mon grand père et que j'ai demandé à mon père de relier. Passionné de reliure , il me la protégé définitivement avec une reliure cuir et lettres d'or. Le livre est intact en son centre. Il bien sûr pour moi inestimable et unique.
Enfin le troisième est une seconde édition trouvé par pur hasard avec des copies de plans (mis en bas du blog). Le hasard miraculeux qui me permet de relire ce livre régulièrement.
AEROTRAIN 01 :
C'est dans les années 50 qu'arrive l'idée de présenter un nouveau mode de transports. A l'époque l'idée de créer de nouvelles villes et de sa liaison est sur le tapis. Cergy Pontoise / La Défense : deux lieux qui n'existent pas mais qu'il va falloir relier à Paris devenu trop petit en pleine période de reconstruction, de grands projets et de baby boom.
Certes, la SNCF est très implantée sur le territoire national mais à cette période qui suit la reconstruction les cartons d'idées nouvelles et innovantes sont vides alors même que l'on annonce une saturation quasi générale du trafic sur des liaisons comme Paris / Lyon par exemple.
Jean Bertin a l'idée et l'Aérotrain 01 est le premier a être construit. Le principe est simple : déplacer des voyageurs dans un train sur coussin d'air guidé par un rail. Mi-train mi-avion , l'Aérotrain aura besoin des autorisations de l'aviation civile et l'aval des pouvoirs publics et politiques pour pouvoir être testé.
Sa première zone de test est établi sur la commune de Gometz la ville au sud de Paris en lieu et place d'une ligne SNCF désaffectée et était d'une longueur de 6.7 kms. A l'extrémité des voies une plate forme tournante spécifique permettait de lui faire faire demi tour à la main.
Un hangar construit pour les essais était situé sur la ligne. Des pompes à essence avaient été implantées à proximité.
L'Aérotrain 01 est une version à l'échelle 1/2 propulsé par un moteur d'avion de 260cv à hélice pouvant accueillir 6 personnes (2 pilotes et 4 passagers en cabine séparée). Le coussin d'air était créé par deux petits moteurs Gordini indépendants.
Amélioré avec un appoint de fusées il atteindra la vitesse incroyable pour l'époque de 303 km/h en décembre 1966 et même de 345 km/h en novembre 1967 avec le remplacement de son moteur par un turboréacteur. L'appoint de parachutes étaient nécessaire pour le freinage vu la longueur de rails.
L'Aérotrain 01 a été sauvegardé par l'Association des Amis de l'Aérotrain, restauré et est régulièrement exposé.
Photos issues du livre cité.
AEROTRAIN 02
Une fois les essais de 01 accomplis, il fut construit un exemplaire bi places destiné à tester les hautes vitesses : l'Aérotrain 02
Équipé d'un réacteur et d'une fusée complémentaire il atteignit les 422 km/h en janvier 1969. A priori si la voie avait été plus longue nul doute que des vitesses plus élevées auraient été possibles.
photo internet
Le 02 attendait son heure pour sa restauration dans son hangar.
L'Aérotrain 02 a été sauvé et restauré par l'association des amis de l'Aérotrain. il est exposé régulièrement.
photo internet
AEROTRAIN S44
L'Aérotrain Suburbain S44 est un autre type d'Aérotrain étudié en parallèle de celui d'Orléans au début des années 70. Il s'agissait d'expérimenter les liaisons de type La Défense-Cergy ou Orly-Roissy à des vitesses de 200 km/h non pas avec un Aérotrain thermique mais une version linéaire à induction (électrique spécifique). Le rail en béton déjà utilisé ne pouvait servir car le rail devait cette fois ci guider mais surtout servir de support au courant électrique créé par le champ magnétique du moteur permettant ainsi le déplacement de l'Aérotrain. Un rail spécifique d'une longueur de 3 kms fut installé sur le site de Gometz en région parisienne pour les premiers essais. Le moteur était fourni par la société Merlin Gérin. Le S44 atteignit la vitesse de 170 km/h en 1970.
Il s'avèrera que les performances du moteur ne seront pas satisfaisantes et que des gros problèmes de surchauffe ainsi que de besoins énergétiques très importants furent rencontrés.
photos internet
Le S44 était disposé dans le même hangar que l'Aérotrain 02.
Hélas un mystérieux incendie mit fin à toute possibilité de restauration toujours compliquée à organiser tant sur le plan pratique que financier.
photo internet
AEROTRAIN I80
Mais c'est au nord d'Orléans que les essais grandeur nature se sont déroulés à partir de 1972. Soutenu par les pouvoirs publics de l'époque, une version à taille réelle (échelle 1) est conçue. Il s'agit d'une version 80 places destinée à rendre les communications interurbaines rapides.
Voici le plan d'époque des liaisons envisagées est des temps estimés :
Le I80 est né : Interurbain 80 places. La voie d'une longueur de 18 kms faisait partie intégrante d'un projet reliant à terme Paris à Orléans en 25 minutes. Le rail se situait à une hauteur de 5 mètres conformément à l'idée de base de l'Aérotrain dont le principe mettait en avant des gros avantages par rapport au rail tel que : l'emprise au sol, le coût de rail en béton sans entretien....Sa plate forme de stockage se situait au beau milieu de la Beauce sur la commune de Chevilly. Deux plaques tournantes (comme à Gometz) avaient été placées au extrémité pour son retournement. La voie devait tester les vitesses commerciales envisagées (250 km/h) mais aussi supporter les tests à haute vitesse (400 km/h).
L' I 80 conçu et fabriqué sur Paris avait été présenté au salon de Bourget en juillet 1969 puis livré par la route par convoi exceptionnel sur son site d'essais. Monté sur sa plate forme, il était condamné à y rester définitivement.Seul le rail central pouvait être escamoté sur la plate forme (dont on voit le lourd dispositif vu du dessous avec la photo ci dessus).Une fois fait , l'Aérotrain était simplement poussé à la main et rangé dans son garage (magique pour une masse en charge de 25 tonnes !). C'est là que je l'ai retrouvé après tant d'années de sommeil et fort heureusement avant son tragique incendie.
La première version que l'on peut qualifier de commerciale était propulsé par deux turbines Turboméca toujours issues de l'aviation avec une hélice carénées. C'est l'image de l'Aérotrain tel qu'il fut présenté officiellement et testé.
Cette version de 80 places devait avoir en test deux configurations, deux types de classes en quelque sorte : la "normale " 5 places de front (3 d'un côté et 2 de l'autre) et la "sièges type luxe" avec uniquement 4 places de front. Ces deux configurations sont bien évidemment reprises de l'aviation. Une partie arrière avec wc, lavabo et pour le rangement des bagages était prévue. La question que l'on peut se poser est de savoir comment le décalage des couloirs en fonction du nombre de sieges de front était envisagé.
Depuis l'abandon du projet suite à la décision gouvernementale de donner feu vert et moyens à la SNCF pour concevoir son TGV, l' I 80 était posé dans son hangar à la merci du temps et surtout des visiteurs et autres squatteurs mal intentionnés. A la décharge de la Sté Bertin, celle-ci n'avait plus les moyens financiers de protéger son patrimoine de quelque façon que ce soit tous les budgets ayant été engloutis fort logiquement dans son projet. Les portes de Chevilly fûrent définitivement fermées en 1978.
C'est dans ces conditions que je l'ai retrouvé et même surpris de me retrouver nez à nez avec lui en ce tout début des années 90. En effet internet et son flux d'informations n'existait pas encore à l'époque et l'on ne pouvait me dire avec certitude ce qu'il était devenu et ou il se trouvait.
Malgré ce constat d'abandon total dans une ambiance surnaturelle il faut savoir que 59 140 kms furent parcourus et 13013 personnes auront été transportées dans la configuration à hélice.
La deuxième évolution du I 80 dite H.V pour haute vitesse fut également testée (c'est la configuration ou se trouvait l' I 80, le récteur ayant été déposé et rendu à son propriétaire) . L'hélice carénée (que l'on voit sur les photos stockée à même le sol) a été remplacée par un turbo réacteur (le même que sur l'avion "Caravelle" de l'époque)et le record absolu de l'Aérotrain fut battu le 05 septembre 1974 avec la vitesse de 430.4 km/h.
Ce sont 9106 kms et 2900 personnes qui ont voyagé à des vitesses comprises entre 350 et 400 km/h.
Le 24 mars 1992, un incendie criminel réduit a néant tout espoir de le voir restaurer. Ce n'est qu'un spectacle de désolation qui s'offre à nos yeux. En aluminium la carcasse a fondue. Pourtant cet incendie était le deuxième après le S44 incendié à Gometz en 1991.
LE TRIDIM
Retour dans le hangar de Gometz-la-Ville :
C'est dans ce hangar qu'était également stocké à l'abandon le dernier prototype français : le TRIDIM.
Cet exemplaire destiné à la circulation urbaine n'était pas sur coussin d'air dans cette première approche. Le prototype se voulait très léger sur une structure légère également. Il évoluait sur le site EDF de la Renardière (dep 77) avec une longueur de 200 mètres.Il était entièrement automatisé pouvant accueillir 4 passagers et propulsé par deux moteurs électriques actionnant une roue dentée qui prenait appui sur une crémaillère double. Il a évolué entre mai 1973 et avril 1974.
Le Tridim n'est pas un Aérotrain vous l'aurez constaté. J.Bertin estimait l'intêret du coussin d'air sur ce type d'engin très relatif. Par contre il s'agissait d'un mode de transport révolutionnaire à l'époque et l'implication de la société Bertin était réelle. Son champ d'action était destiné aux zones urbaines et tout particulièrement aux liaisons d'aéroports.
photo internet
AEROTRAIN ROHR
C'est le dernier Aérotrain de la série. Il a été réalisé aux Etats Unis à partir de 1970 par la Société Américaine Rohr Corporation sur base de brevet Bertin. Les Américains suivaient avec grand intérêt les développements français et pensaient que ce mode de transport avait un intérerêt pour relier des villes à grande vitesse. Avec une ligne très futuriste, sa coque en résine,il était d'une capacité de 60 places.Il était également à motorisation linéaire provenant de la société Merlin Gerin comme le S44 en France. Il fonctionnait sur du 4160 volts triphasé.Toute la partie coussins d'air et ventilation était brevetée Bertin. Une ligne en aluminium fut construite en Californie sur un site spécialisé dans le ferroviaire.Ce site hyper sécurisé interdit au survol se situe à 30 kilomètres de Pueblo (Colorado). Il est toujours en activité aujourd'hui où tous les trains du monde peuvent être testés . Le dossier "Rorh" était donc classé Secret Défense à l'époque. Les essais se déroulèrent entre septembre 1974 et juin 1977 avec une vitesse maxi de 230 km/h. Théoriquement la vitesse pouvait atteindre 275 km/h mais il n'a pas été tenté de les atteindre.Une liaison Los Angeles / Las Vegas était prévue à terme mais aussi au Texas, en Californie ou encore dans le nord est.
Cet exemplaire fut retrouvé par des passionnés en 2008 à Pueblo aux portes d'un désert dans un musée dédié à l'aviation de la seconde guerre mondiale.Le Rohr était là depuis 30 ans sans que personne ne sache à quoi il servait. Beaucoup pensaient à un avion...
A la fin des essais les 3 prototypes construits dont 2 sur coussin d'air ont été abandonnés (dont celui de la société Rohr Industrie) et n'avaient que le lieu de musée d'avions pour être posés (espace disponible et dalles en béton réalisées pour eux).
Si l'exemplaire a été sauvé et sauvegardé les Américains ont découvert l'histoire française de l'Aérotrain grâce à ces passionnés. Mieux ! Ils leur ont fait découvrir l'exemplaire qu'ils avaient sous les yeux car personne ne savait vraiment ce que c'était. Il a été délicatement déplacé (22 tonnes) en juillet 2009 du musée de Pueblo de l'aviation à celui du train toujours à Pueblo où il est entièrement restauré. La base restante était très complète (pas comme en France) puisque sièges et même moteur linéaire étaient restés en place sans dégats mis à part l'usure du temps et l'abandon.
photos internet
Informations photos et vidéos sont disponibles sur internet sur des sites souvent bien documentés et passionnants.
Différentes cartes et enveloppes 1er jour du 07/03/1970
Quelques photos de copies de plans de l'époque des principaux Aérotrains :
Document d'époque de présentation de l'aérotrain :
